La phagothérapie, ou thérapie par bactériophages, représente une solution thérapeutique ciblée pour le traitement des infections bactériennes, notamment celles résistantes aux antibiotiques classiques. L’antibiorésistance en croissance est annoncée comme la prochaine épidémie mondiale. Ces virus spécifiques naturels, omniprésents dans l’environnement (eaux, sols, microbiote humain), infectent exclusivement des bactéries cibles par mécanisme de reconnaissance spécifique des récepteurs bactériens puis lyse cellulaire. Cette spécificité assure un impact sur la flore bactérienne pathogène sans affecter la flore commensale ni les cellules humaines.
Découverte en 1917 par le microbiologiste franco-canadien Félix d’Hérelle, La phagothérapie a été occultée par l’apparition des antibiotiques. En Géorgie, elle est restée une pratique courante. Elle connaît aujourd’hui un regain d’intérêt dans les pays occidentaux confrontés à l’émergence d’infections multirésistantes. En France, elle est utilisée en dernier recours, sous strict encadrement réglementaire, notamment dans des protocoles compassionnels validés par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).
La démarche thérapeutique repose sur plusieurs étapes clés : isolement de la souche bactérienne responsable de l’infection, réalisation d’un phagogramme in vitro pour sélectionner les bactériophages actifs sur la souche, formulation d’un cocktail personnalisé de phages, suivi d’une préparation magistrale réalisée en milieu stérile. L’administration peut être loco-régionale (injection directe au site infectieux), systémique ou topique selon la localisation de l’infection.
La phagothérapie s’intègre souvent en association aux antibiotiques pour potentialiser l’efficacité, notamment en s’attaquant aux biofilms bactériens, difficiles à traiter par antibiothérapie seule. Les cas d’usage incluent des infections ostéo-articulaires, cutanées chronique, et pulmonaires chez les patients avec mucoviscidose.
Malgré un profil de tolérance favorable et une absence d’effets secondaires majeurs, les doses optimales et les protocoles standardisés restent à définir, soulignant la nécessité de développer des études cliniques contrôlées. Des réseaux hospitaliers et centres spécialisés, comme le CRIOAc à Lyon, participent activement au développement clinique et pharmaceutique de la phagothérapie personnalisée.
Dr Euclide OKOLOU
