À la demande de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam), la Haute Autorité de Santé (HAS) en France a recommandé de ne plus prescrire la vitesse de sédimentation (VS). Elle a mené une réévaluation critique et a observé que la vitesse de sédimentation n’a pas démontré d’intérêt médical dans les indications évaluées.
Trois principaux inconvénients majeurs de la VS ont été observés :
- La VS est peu reproductible, avec des variations importantes entre techniques et même sur le même échantillon (coefficient de variation jusqu’à 30%).
- Elle est peu spécifique et influencée par de nombreux facteurs sans rapport avec l’inflammation, comme l’âge et le sexe.
- Son augmentation est lente, pouvant rester normale alors qu’une inflammation est déjà en cours.
La VS est aussi souvent utilisée de manière inappropriée en bilans de routine chez des patients asymptomatiques, ce qui représente un coût élevé pour l’assurance maladie (plus de 16 millions d’actes en 2023 pour 12 millions d’euros), alors que des tests plus performants et déjà remboursés existent, notamment le dosage de la protéine C-réactive (CRP).
Au Congo, le Dr OCKO GOKABA Thibaut, Médecin Biologiste au Centre National de Référence de la Drépanocytose (CNRD) à Brazzaville, partage les mêmes réserves. Pour lui, la VS est « fréquemment prescrite alors qu’elle est peu spécifique » et représente une charge financière inutile pour des patients souvent en situation précaire. Dans plusieurs situations cliniques, ajoute-t-il, elle n’apporte rien au diagnostic.
Il rappelle qu’il existe déjà des alternatives plus pertinentes : la CRP, le fibrinogène, l’électrophorèse des protéines sériques ou encore certains marqueurs cytokiniques comme les interleukines.
Un appel à revoir les pratiques
Cette remise en question ouvre un débat plus large en Afrique : comment adapter les prescriptions pour gagner en efficacité tout en tenant compte de la disponibilité des examens ? Il est opportun :
• d’adapter le choix des marqueurs selon la phase de l’inflammation (aiguë ou chronique),
• d’élaborer des algorithmes décisionnels en concertation entre cliniciens et biologistes,
• de revoir certaines habitudes, comme la pratique consistant à attendre une VS très élevée avant de demander un test VIH chez un patient asymptomatique.
Les pathologies inflammatoires chroniques en rhumatologie sont également concernées : la VS y est encore trop souvent utilisée par automatisme.
Cette recommandation de la HAS marque un tournant : celui d’une médecine plus précise, plus économique et mieux adaptée aux réalités de terrain.
Par Dr Euclide OKOLOU
Avec la participation du Dr OCKO GOKABA Thibaut, médecin biologiste
